Une société a fait l’objet d’un
jugement d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, la date de
cessation des paiements étant fixée à quatre mois avant celle du jugement.
Mr Michel a été désigné comme
administrateur judiciaire avec pour mission d’assurer entièrement
l’administration de l’entreprise.
Mr Michel constate qu’une
ouverture de crédit pour un montant de 100000 € avait été consentie à la
société au début de l’exercice et qu’elle était inutilisée à la date du
jugement.
Mr Michel, désireux de pouvoir
financer la poursuite de l’activité, entend exiger de la banque qu’elle exécute
son engagement. Celle-ci s’y refuse, motif pris du caractère intuitus
personae de l’ouverture de crédit qui, à ses dires, aurait entraîné extinction
automatique de la convention lors du jugement d’ouverture.
La position de la banque vous
parait-elle fondée ?
CORRIGE
A la suite de l’ouverture d’une
procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société, l’administrateur
judiciaire régulièrement désigné par le tribunal de commerce a pris en charge
la gestion de la société en exécution du mandat qui lui a été confié.
La société se trouve alors
confrontée à un certain nombre de difficultés qui sont le lot de beaucoup de
sociétés faisant l’objet d’une telle procédure collective.
A cet égard, la banque a refusé
d’exécuter un engagement pris avant l’ouverture de la procédure de redressement
judiciaire.
Ce problème évoqué sera traité en
deux parties :
A- La
position de la banque
B- L’article 4 de la
loi du 21 septembre 2000 et le droit d’exiger l’exécution de
l’engagement de la banque
A-
La position de la banque
L’ouverture de crédit est un
contrat-cadre par lequel la banque s’oblige à consentir un crédit au
bénéficiaire, l’octroi de crédit pouvant prendre des formes diverses, par exemple,
un compte courant débiteur.
Le fait qu’elle ne soit pas
utilisée n’empêche pas que l’engagement de la banque soit maintenu et doit être
exécuté à la demande du bénéficiaire.
On peut, cependant, se demander
si ce principe ne supporte pas une exception lorsque la situation du client de
la banque s’est dégradée, en particulier lorsque, comme dans le cas présent, ce
dernier fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire.
On comprend bien la position de
la banque qui a perdu toute confiance dans la société objet d’étude, et qui
estime que cette dernière, du fait de sa cessation des paiements, ne présente
plus les mêmes qualités qu’au moment de la conclusion de l’ouverture de crédit.
Autrement dit la position de la banque s’appuie sur l’intuitus personae
qui caractérise toute ouverture de crédit.
S’il est incontestable qu’une
ouverture de crédit est marquée d’un intuitus personae très fort, les
conséquences que prétend en tirer la banque sont, elles erronées : il est
maintenant acquis que le jugement d’ouverture d’une procédure de redressement
judiciaire n’emporte pas extinction automatique d’une convention d’ouverture de
crédit inutilisée au moment de ce jugement.
Les textes, avec l’interprétation
jurisprudentielle protègent les entreprises en redressement judiciaire contre
de telles attitudes de la part des établissements financiers.
B-
L’article 4
de la loi du 21 septembre 2000 et le droit d’exiger l’exécution de
l’engagement de la banque
Il est certain que l’exécution de
l’engagement de la banque est essentielle pour financer la poursuite d’activité
qui accompagne normalement l’ouverture de la procédure de redressement
judiciaire.
La société objet d’étude est en
période d’observation et a des besoins de financement élevées. Il est dès lors
évident que, si on admet le bien fondé de la position de la banque, c’est
l’objet même du redressement de la société qui est compromis dès le départ.
Pour vaincre la résistance des
cocontractants d’une société mise en redressement judiciaire, l’article 4 de la
loi du 21 septembre 2000 confère à l’administrateur : « la
faculté d’exiger l’exécution des contrats en cours en fournissant la prestation
promise au cocontractant du débiteur ».
Ce même article dispose également
que « nonobstant toute disposition légale ou toute clause
contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution du contrat ne
peut résulter du seul fait de l’ouverture d’une procédure de redressement
judiciaire ».
Malgré les termes très généraux
de cet article, qui semblent exclure toute distinction entre les contrats pour donner au droit d’option de
l’administrateur une portée sans limite, une partie importante de la doctrine a
soutenu avec vigueur que l’administrateur judiciaire ne pouvait exiger l’exécution
des ouvertures de crédit non encore utilisées au moment du jugement
d’ouverture.
La motivation était exactement
celle que reprend ici la banque : l’ouverture de crédit repose sur la
confiance et se caractérise par son intuitus personae.
Elle est résiliée de plein droit
du seul fait du jugement d’ouverture. L’administrateur ne peut donc exiger la
continuation d’un engagement qui a disparu.
Ce traitement spécifique des
contrats conclus intuitu personae a été admis autrefois par la jurisprudence
rendue sous l’empire des précédentes lois, plus sensibles à la protection des
cocontractants d’une entreprise en règlement judiciaire.
Mais cette interprétation, peu
compatible avec la lettre de l’article 4 et avec l’objectif de redressement qui
caractérise la période d’observation, a été fermement condamnée par la cour de
cassation à travers plusieurs arrêts qui reprennent tous un attendu très
net :
« l’administrateur d’un
redressement judiciaire a la faculté d’exiger l’exécution des contrats encours
lors du prononcé du redressement judiciaire, sans qu’il puisse être fait de
distinction suivant que les contrats ont été ou non conclus en considération de
la personne ».
La controverse est maintenue
close : l’administrateur judiciaire peut exiger l’exécution de
l’engagement de la banque. Il est vrai que ce droit de l’administrateur ne fait
pas disparaitre le droit de résiliation de la banque tel qu’il est consacré par
la loi bancaire.
Mais cette résiliation suppose le
respect de certaines conditions qui interdisent de l’assimiler à une extinction
automatique de l’ouverture de crédit comme le soutient la banque dans le cas
présent.