Le gérant d’une société qui rencontre des difficultés financières, simule un cambriolage et fait une déclaration de sinistre à la compagnie d’assurances, pour un dommage évalué à 100.000 €.
Cette manœuvre échoue, l’expert
de la compagnie découvrant la simulation. On en reste au stade de la tentative.
Plainte est déposée, avec constitution de partie civile.
La simulation d’un cambriolage,
en vue de toucher l’indemnité d’assurance, est susceptible de constituer une
escroquerie. Mais l’escroquerie à l’assurance
n’est qu’une forme parmi d’autres d’escroquerie.
Cette thématique sera en trois parties
ci-après :
A- LES
ELEMENTS DE L’ESCROQUERIE
B- LA
TENTATIVE D’ESCROQUERIE
C- LA SANCTION DE L’ESCROQUERIE
A- LES ELEMENTS
DE L’ESCROQUERIE
L’article 405 du code pénal
stipule que «Quiconque, soit en faisant usage de faux noms ou de fausses
qualités, soit en employant des manœuvres frauduleuses pour persuader l’existence
de fausses entreprises, d’un pouvoir ou d’un crédit imaginaire, ou pour faire
naitre l’espérance ou la crainte d’un succès, d’un accident ou de tout autre
événement chimérique, se sera fait remettre ou délivrer, ou aura tenté de se
faire remettre ou délivrer des fonds, des meubles ou des obligations, dispositions,
billets, promesses, quittances ou décharges, et aura, par un de ces moyens,
escroqué ou tenté d’escroquer la totalité ou partie de la fortune
d’autrui ».
Le texte suppose qu’ait été mis
en œuvre un moyen de tromper la victime, mais il exige aussi l’existence de la
remise d’une chose, au sens large.
Le code pénal mentionne deux
moyens de tromper la victime, à savoir l’usage de faux noms ou de fausses
qualités d’une part et l’emploi de manœuvres frauduleuses d’autre part.
Les faits qui nous sont soumis
conduisent à se situer dans la seconde hypothèse.
Le code ne donne pas de
définition de la manœuvre, mais il résulte d’une jurisprudence constante de la
chambre criminelle de la cour de cassation que le mensonge ne suffit pas. Il
doit être accompagné d’un écrit, donner lieu à l’intervention d’un tiers, ou
faire l’objet d’une mise en scène.
Deux de ces éléments paraissent
exister ici. D’un côté, la déclaration d’un sinistre, au sens de la pratique
des assurances, suppose un écrit, qui remplit donc l’une des conditions posées
par la chambre criminelle. D’un autre côté, la simulation du cambriolage du magasin apparait bien comme une mise en
scène.
Les manœuvres frauduleuses
doivent avoir pour finalité de « persuader l’existence de fausses
entreprises, d’un pouvoir ou d’un crédit imaginaire » ou de « faire
naitre l’espérance ou la crainte ». La première formulation est
suffisamment générale, si l’on se réfère à la jurisprudence, pour englober les
faits de l’espèce.
A cet égard, les manœuvres ont
permis à une personne de se faire « remettre ou délivrer des fonds,
des meubles », éventuellement d’autres bien ou des quittances. La remise
de somme d’argent entre donc explicitement dans les prévisions de l’article
405.
B- LA
TENTATIVE D’ESCROQUERIE
L’article 405 incrimine également
le fait d’avoir tenté d’obtenir la remise d’une chose ou d’une somme d’argent.
Il est donc clair que la tentative d’escroquerie est punissable. Cela signifie
que la remise effective des fonds n’est pas nécessaire ; il suffit qu’elle
existe une demande permettant d’obtenir une remise.
C’est ce qui est exprimé par le
principe suivant : « une tentative est considérée comme le délit
dès lors qu’elle a eu un commencement d’exécution et qu’elle n’a manqué sa
réalisation que par des circonstances indépendantes de la volanté de son auteur.
On est ainsi conduit à une
distinction : la déclaration d’un sinistre n’ayant pas eu lieu n’est, à
elle seule, qu’un acte préparatoire (Cour de cassation. chambre criminelle). Il
en va différemment dès lors que la déclaration est suivie d’une demande
d’indemnisation adressée à la compagnie d’assurance (Cass.crim) : alors il
y a un commencement d’exécution et donc tentative. A cet égard l’ensemble des
faits correspondent à cette seconde situation : il est en effet spécifié
que le gérant réclame la réparation du dommage.
Il est certes indiqué que le
gérant n’a en définitive perçu aucune indemnisation.
Mais cette particularité est
inefficace : si l’on incrimine la simple tentative d’escroquerie, peu
importe que la manœuvre ait échoué. En vertu de la deuxième condition de la
répression tentative, l’interruption de l’action doit être involontaire.
Or, dans les faits de l’espèce,
si l’indemnisation ne s’est pas faite, ce n’est pas parce que l’auteur de la
manœuvre a renoncé au versement, mais parce que l’expert a découvert la fraude.
L’arrêt de l’action est involontaire, c’est-à-dire indépendant de la volanté de
l’auteur.
Par ailleurs, la jurisprudence considère
que le délit existe indépendamment de tout préjudice éprouvé par les victimes,
pourvu que puisse être constatée une remise obtenue par des moyens frauduleux (Cass.crim).
L’élément intentionnel de
l’infraction ne paraissant pas faire de doute, on peut affirmer que les
éléments du délit d’escroquerie sont ici réunis.
C- LA SANCTION
DE L’ESCROQUERIE
Il ne s’agit pas ici d’une
escroquerie aggravée, celle qui existe dans l’hypothèse d’un appel au public en
vue de l’émission de titres.
Nous sommes donc en présence
d’une escroquerie simple. Aux termes de l’article 405 du code pénal, les peines
encourues sont les suivantes :
·
Un emprisonnement d’un an au moins à cinq ans au
plus ;
·
Et une amende de 3600 Francs au moins à
2 500 000 Francs au plus.
Le coupable peut aussi être
frappé, si le tribunal le décide, d’une interdiction des droits de l’article 42
du code pénal, pour une durée de dix ans au plus : ce sont les droits
civiques, civils et de famille, notamment le droit de vote, l’accès aux
fonctions publiques, le témoignage en justice. L’interdiction peut être totale
ou partielle.
Les peines de la tentative d’escroquerie
ne sont pas différentes.