Introduction
Les reportings « ESG »
ont évolué pour améliorer la divulgation normalisée des informations
environnementales, sociales et de gouvernance « ESG ».
Les données faciles à
collecter et à divulguer ont cependant beaucoup moins de valeur que les informations
qui doivent être glanées par des processus compliqués, une diligence
raisonnable approfondie et des informations fortuites.
Les investisseurs à la
recherche d'alpha dérivé de l'ESG doivent regarder au-delà de ces sources et reportings
de données standardisées pour leurs analyses plus approfondies et plus
idiosyncratiques.
En effet, de nombreux
investisseurs croient en la valeur sociétale de l'intégration des
considérations environnementales, sociales et de gouvernance « ESG »
dans la prise de décision financière. D'autres nourrissent un souci plus étroit
de générer une surperformance financière par la poursuite de l'alpha « ESG ».
Il existe donc un intérêt
considérable pour la révision des reportings comptables et de divulgation afin
d'intégrer l'analyse des risques et des opportunités liés au changement
climatique.
Afin d'organiser et de
rendre cohérente la diversité des informations extra-financières
potentiellement disponibles, les reportings comptables de développement durable
ont évolué au cours du dernier quart de siècle.
Cependant, des mesures « ESG »
cohérentes, facilement disponibles et facilement interprétées sont une exigence
essentielle pour tout investisseur afin de mesurer l'impact des choix
d'allocation du capital sur l'écosystème naturel et social.
I-1 Reporting de
développement durable : Convergence ou fragmentation
I-1 Mode d'organisation
des informations
Les reportings de
développement durable fournissent une méthode de catégorisation et de
régulation de la sémantique des informations non financières.
Les reportings sont
destinés à faire progresser la précision, la validité, la cohérence et
l'interopérabilité.
La plupart des
définitions et des règles qui composent les reportings comptables de durabilité
restent volontaires, n'ayant pas la force d'une réglementation gouvernementale.
Aussi, le processus de
normalisation privé fondé sur le consensus facilite la spécialisation et réduit
les coûts de transaction.
Dans toute application
spécifique, la question est de savoir si les normes de valeur dépassent la
perte de diversité.
Dans le cas de
l'industrie du transport maritime, des normes sont nécessaires pour assurer la
sécurité des conteneurs maritimes.
I-2 La multiplicité des reportings
est-elle une faiblesse ou une force ?
Dans le contexte des reportings
de comptabilité de la durabilité, une multiplicité d'approches pour
catégoriser, définir et exprimer les concepts de durabilité ont émergé.
Certains observateurs de
la communauté des investisseurs « ESG » ont exprimé leur
mécontentement face à la présence de tant de reportings comptables de
durabilité différents et contradictoires.
La diversité des
référentiels est généralement plus coûteuse pour les entreprises émettrices qui
doivent fournir des informations que pour les investisseurs qui consomment ces
informations.
De nombreux fournisseurs
de notation « ESG » utilisent la gamme de sources d'informations
sous-jacentes au profit de leurs systèmes de notation.
Vaut-il mieux une « soupe
à l'alphabet » avec des arbitres ou un arbitre dictatorial ?
De toute évidence, le
développement de reportings et de normes est un processus itératif qui évolue
continuellement.
I-3 Reportings non
financiers
Le Triple Bottom Line est
un reporting conceptuel permettant d'intégrer des mesures non financières de la
performance dans l'évaluation de l'activité de l'entreprise.
John Elkington soutient
que les entreprises devraient mesurer leur performance nette selon les trois
« résultats » suivants : le compte financier des « profits
et pertes », le compte social des « personnes » et le compte
environnemental de la « planète ».
I-4 Reporting aux parties
prenantes
L'expression la plus
répandue d'un reporting Triple Bottom Line pour les rapports d'entreprise est
la « Global Reporting Initiative : GRI ».
La « GRI » a été fondée en 1997 par
la Coalition for « Environmentally Responsible Economies », le
Programme « ONU-Environnement » et « l'Institut Tellus ».
Les normes « GRI » sont conçues pour
guider la préparation volontaire de rapports de développement durable.
I-5 Reporting intégré
pour les investisseurs
L'International
Integrated Reporting Council « IIRC »
vise à améliorer la qualité des informations disponibles pour les fournisseurs
de capitaux financiers.
Il vise à renforcer la
responsabilité et la gestion de la large base de capitaux (financiers,
manufacturés, intellectuels, humains, sociaux et naturels) et à promouvoir la
compréhension de leurs interdépendances.
Le reporting de l'IIRC
s'avère beaucoup plus difficile à appliquer que les lignes directrices de la
« GRI ».
Le système de reporting
intégré est basé sur des principes et nécessite une réévaluation du modèle
d'entreprise de l'organisation.
I-6 La matérialité
financière répond mieux aux préférences des investisseurs
Le « Sustainability
Accounting Standards Board : SASB » aux
États-Unis a mis l'accent sur les investisseurs.
La Fondation « SASB »
a été créée en 2011 par « Jean Rogers », sous le patronage de Michael
Bloomberg.
En 2018, le « SASB »
a publié 77 normes différentes couvrant les exigences minimales en matière de
rapports sur la durabilité pour les industries de 11 secteurs différents.
Le « SASB » met
l'accent sur la notion de matérialité financière, ce qui signifie que ses
normes se concentrent sur les questions de développement durable qui sont raisonnablement
susceptibles d'avoir un impact significatif sur la performance ou la situation
financière.
Le « SASB » a
choisi, par le biais de son processus multipartite de création de normes,
d'identifier les aspects spécifiques des questions de durabilité qui sont
importantes pour chacun des 11 secteurs pour lesquels elle a publié des normes.
II- Impact des reporting pour
les petites et moyennes entreprises
Les référentiels « GRI »,
« IIRC » et « SASB » sont destinés aux grandes entreprises.
Ces reportings sont plus
adaptés aux grandes entreprises ayant accès à une infrastructure de reporting
étendue.
Dans le contexte des
petites et moyennes entreprises, l'absence de ressources importantes en matière
de rapports a conduit à l'élaboration de reporting un peu plus simplifié.
En 2011, une vingtaine d’investisseurs
ont signé une lettre de soutien à ce reporting, s'engageant à l'utiliser pour
la performance de leurs fonds propres.
Étant donné que la
communauté de l'investissement d'impact est nettement plus petite que le marché
mondial des actions cotées, une initiative soutenue par une vingtaine d’organisations
de cette communauté a beaucoup plus de poids qu'elle n'en aurait sur le marché
des actions cotées.
Deux autres reportings,
le « B Impact Assessment » et le « Future-Fit
Business Benchmark », sont également destinés aux petites et
moyennes entreprises.
La « B Impact
Assessment » est administré par le « B Lab »
à but non lucratif et est utilisé pour certifier les entreprises dans un réseau
de « B Corp ».
Les « Benefit
Corporation » et les entreprises à missions sociales affirmées peuvent
utiliser une certification « B Lab » pour signaler une évaluation
objective et complète de son impact sur les actionnaires.
« B Lab »
utilise des métriques générées par l'entreprise comme entrées dans le calcul
d’un score d’évaluation d’impact qui mesure la création de valeur pour la
gouvernance, les travailleurs, la communauté et l'environnement.
Afin d'être certifié
comme « B Corp », une entreprise doit atteindre un score intégré de
80 ou plus.
Le « Future-Fit
Benchmark » est une ligne directrice accessible au public conçu pour que
les entreprises auto-évaluent l'adéquation de leur mission et de leurs
opérations pour un système d’avenir durable.
Le « Future-Fit
Benchmark », est composé de 23 objectifs sociaux et environnementaux que
la Future-Fit Foundation qui sont des exigences minimales pour chaque
entreprise pour assurer la protection des personnes et de la planète.
III- Le changement climatique doit faire partie du reporting
des entreprises
Il existe un certain
nombre de reportings pour les indicateurs liés au climat.
Une distinction
essentielle doit être établie entre les efforts visant à mesurer l'impact
environnemental de l'activité des entreprises et ceux qui mesurent l'impact des
changements environnementaux et climatiques.
Le premier évalue
l'impact sur les écosystèmes dans leur ensemble, tandis que le second évalue
l'impact des écosystèmes sur les perspectives financières des entreprises.
III-1 « CDP » :
Plateforme de divulgation environnementale explorant le « E » dans
l'ESG
« Carbon Disclosure Protocol : CDP »
est une organisation à but non lucratif qui collecte des données auprès
d'entreprises à l'échelle internationale afin d’évaluer l’impact sur
l'environnement.
Le Carbon Disclosure
Protocol « CDP » envoie des questionnaires aux plus grandes sociétés
cotées en bourse concernant les émissions de carbone dans leurs opérations.
Les données du « CDP »
sont largement utilisées dans les études universitaires sur la relation entre
la divulgation environnementale et la performance financière. En mai 2020, les
membres investisseurs du « CDP » comprenaient plus de cinq cents
investisseurs institutionnels avec près de 100 milliards de dollars d'actifs
sous gestion.
III-2 Rationalisation du
paysage de la divulgation en matière de durabilité
Le « Climate
Disclosure Standards Board : CDSB » a été
fondé lors du Forum économique mondial en 2007.
Le « CDSB » a
établi sept principes pour la communication des informations environnementales,
y compris un engagement à la pertinence, la matérialité, la cohérence et la
comparabilité.
Le Conseil a pour
objectif explicite d'élaborer des principes de reporting basés sur d'autres
normes et reportings largement adoptés, tels que la « Global Reporting
Initiative » et le « CDP ».
Le Climate Disclosure
Standards Board (CDSB) a annoncé qu'il fermera ses activités et fusionnera avec
« l'International Sustainability Standards Board : ISSB ». L'ISSB achèvera l'intégration de la Value
Reporting Foundation « VRF » d'ici la fin juin 2022.
Ces développements
marquent une étape importante vers l'ambition de l'ISSB de devenir le premier comité
mondial des normes de durabilité.
III-3 Fourniture des
informations aux parties prenantes par le « TCFD »
Le Conseil de stabilité
financière « Financial Stability Board : FSB »
est un groupe de ministères des finances et de banques centrales des pays du
G20 créé après le sommet du G20 de 2009 à Londres.
Le Conseil est hébergé et
financé par la Banque des règlements internationaux en Suisse.
La « Task Force for
Climate-related Financial Disclosures : TCFD » du « FSB »
est la plus récente initiative dans le cadre de la divulgation du capital
naturel des entreprises.
Le « TCFD » est
une initiative plus directement liée au secteur financier que les autres
initiatives précédentes.
Presque tous les membres
du groupe de travail proviennent de sociétés déclarantes à but lucratif,
d'institutions financières, de compagnies d'assurance et de fournisseurs clés
de comptabilité ou de notation de l'écosystème financier.
En 2020, des centaines d’organisations
soutiennent la « TCFD ».
IV- Intégration des
objectifs de développement durable « SDGs »
dans le reporting « ESG »
Les Nations Unies ont
poursuivi un processus d'élargissement des mesures quantitatives de la
performance sociale et environnementale.
Les objectifs de 2015
encouragent les nations et les acteurs privés à conceptualiser le triple
résultat des personnes, du profit et de la planète.
Le secteur des
entreprises a été beaucoup plus impliqué dans la formulation des objectifs de
développement durable « ODD » que les précédents Objectifs du
Millénaire pour le développement « OMD ».
V- Points de divergence
des reportings
Bien qu'il y ait beaucoup
de points communs entre les différents ingrédients du « soupe à l’alphabet »,
les reportings discutés ci-dessus diffèrent dans leurs accents. Nous exposons
ci-dessous quelques points de divergence clés.
V-1 Parties prenantes et investisseurs
La norme « GRI »
exige une déclaration publique pays par pays des impôts payés par une
multinationale.
Une telle divulgation
augmenterait considérablement la transparence pour les juridictions fiscales et
pourrait décourager l'évasion fiscale agressive.
Les parties prenantes non-actionnaires
ont une incitation collective à minimiser les effets négatifs de l'évasion
fiscale agressive.
V-2 Signification de la
matérialité
Le « SASB » se
différencie des autres reportings par sa tentative avouée de codifier la
matérialité.
Les recherches suggèrent
que l'accent mis par les chefs d'entreprise sur les mesures par secteur
augmente la pertinence de la valeur de leurs investissements en matière de
développement durable.
Le « SASB »
considère la sécurité des données comme un problème important pour les banques
commerciales, mais pas pour la confidentialité des clients.
V-3 Analyse des scénarios
climatiques par les préparateurs de reportings
La « TCFD »
recommande l'analyse de scénarios par les préparateurs de reportings, mais il
existe actuellement très peu d'orientations communes sur les paramètres et les
hypothèses sous-jacentes à ces scénarios.
Il est donc impossible de
comparer les informations recommandées par la « TCFD » entre les
entreprises.
Il reste trop facile pour
les entreprises de prendre en compte des risques climatiques idiosyncrasiques
qui ne sont pas entièrement décrits aux investisseurs.
VI- Importance des
reportings pour les investisseurs
Une interprétation
raisonnable de la durabilité pour l'investisseur est l'identification et la
protection des sources de flux de bénéfices répétables.
Il existe un point commun
entre les appels de la société civile au développement durable et l'intérêt de
l'investisseur universel à éviter les rendements à court terme de la
liquidation insoutenable du capital naturel et humain.
Aujourd'hui, la
circonscription des investisseurs recoupe désormais beaucoup plus largement les
circonscriptions des consommateurs, des employés et de la communauté.
Les écosystèmes
financiers nécessitent deux types d'informations : premièrement, claires et
cohérentes, et deuxièmement, incomplètes et obscures.
L'établissement d'une
méthode cohérente de détermination des émissions de « scope 1 et 2 »
est une condition préalable pour déterminer si les efforts des entreprises en
matière de réduction des émissions sont efficaces.
VII- Perspectives de
développement des reportings
Nous avons décrit un
certain nombre de reportings structurés qui limitent et catégorisent l'univers
des métriques. Il reste peu probable qu'une seule norme mondiale domine un jour
la fourniture d'informations « ESG ».
L'accent mis par le « SASB »
sur l'investisseur limitera sans aucun doute la possibilité d'acquérir la
légitimité universelle à laquelle une initiative axée sur les parties prenantes
peut aspirer.
Les motivations des
investisseurs sont suffisamment diverses pour qu'il reste des rôles importants
pour des reportings simplifiés et cohérents ainsi que pour des informations
approfondies, obscures et difficiles à interpréter.
L'adaptabilité et
l'évolution des reportings et des indices composites de durabilité sont
essentielles, car la compréhension collective de la durabilité reste en
évolution.